Guerre et Foot

En Syrie, dans les quartiers bombardés et assiégés, à chaque fois que je vois des images d’enfants jouant au foot, je me dis que c’est plus qu’un sport, plus qu’un art, plus qu’une passion. Pour ces enfants, le fout est une forme de thérapie, de lutte contre le temps et la peur.

J’ai personnellement connu la guerre du Liban (1975 – 1990). Pendant ces premières années, mes moments de bonheur se nichaient entre deux bombardements, lorsque j’arrivais à m’évader avec les voisins pour courir derrière un ballon. En 1982, Beyrouth fut assiégée et pilonnée pendant 3 mois par l’armée israélienne. C’était la coupe du monde et nous étions privés d’électricité ! C’est dans ces moments de nécessité vitale que le génie des gens s’exprime en termes de bricolage et d’adaptation aux conditions extrêmes : les batteries des voitures se sont vite transformées en générateurs afin d’alimenter des petits postes de télévision, en noir et blanc. L’attente fébrile de chaque match, ses actions, ses rebondissements et toute l’effervescence qui l’entouraient, nous transportaient chaque soir loin de la mort rôdant autour de nos quartiers…


Le mois dernier, les enfants d’Alep Est jouaient encore au foot. J’imagine qu’ils le font toujours dans les lieux vers lesquels ils ont été déportés. Idem pour des enfants de la Ghouta de Damas et du quartier Waar à Homs, assiégés depuis trois ans. Pour eux, comme pour moi à Beyrouth bien avant, peu importe si en fin de journée l’eau n’est pas chaude ou insuffisante pour se doucher. Pendant des heures, ils ont oublié la terreur, et leur sommeil la nuit est parsemé d’étoiles et de jolis buts.


Ziad Majed

Chronique d'Amnesty, Janvier 2017


@REUTERS Alaa Al-Faqir / Syrie

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